dimanche 28 octobre 2012

Amoureux d'une Cigarette


Pas besoin de remonter très loin dans le temps pour se remémorer les délices des volutes et de la nicotine, tremblant alors de mes doigts d’apprenti qu’un bâton blanc prolongeait comme le sceptre d’un dieu invincible. Renouvelée à volonté, celle-ci s’était épuisée jusqu’à ma lassitude et la force retrouvée de reprendre les commandes de mon navire à quelques feuilles jaunies…

La fille est là, rappelant ma torpeur, déshabillée par les dernières chaleurs d’un été indien, sans les plumes. Le navire est si grand que ces visites m’amusent et me distraient de mon oisiveté mature. Mais celle-ci aime mon air de Capitaine et mon cou buriné, imaginant des frôlements perdus entre celui d’un père ou d’un amant.

Sa clope dodeline des codes en rendez-vous et quand elle tire à mort sur une bouffée impure, nous imaginons des turpitudes que nous ne ferons peut-être jamais. Pourtant mon tricorne est tenace et je m’avance vers la donzelle toisante et je lui colle un baiser à réveiller les plus beaux souvenirs.

Alors mon passé et ma sève remontent, replongeant avec délice dans la bouche de ma belle au goût des cendres de mon meilleur amour…


Besos ♥

Jack Rackham

Photo du haut: Anne Hathaway.


                                                               Vidéo : Mina- Cigarette

mardi 16 octobre 2012

L'Homme de Couleur


Quelquefois le monde dans lequel on vit, recèle ses propres maux liés aux différences…

Il était une fois un monde bien au-delà des mers des Caraïbes, et très loin de l’île du Crâne et des tavernes de Cancun. Là-bas, un nuage gris avait du rester trop longtemps au dessus des rues et des gens car il ne subsistait plus de couleurs. Plus la moindre petite parcelle de rouge ou de jaune, plus de papillons aux ailes bleues ou de fleurs des champs violettes. On aurait dit que le cinéma noir et blanc avait envahi cette Cité mais on s’était habitué, et puis c’était comme ça…

Johnny avait grandi ici et ne connaissait que ce gris du matin au soir. Pourtant sa bonne humeur était de mise et il n’avait de cesse de rire. Il était très heureux naturellement, mais encore plus depuis qu’il avait rencontré Jessica. C’était une belle brune et son teint en camaïeu de gris avait une douceur infinie…Johnny aimait Jessica et Jessica aimait Johnny, et rien au monde n’aurait pu les séparer.

Pourtant un jour, Johnny partit à la capitale pour faire les études dont il rêvait et devenir un grand clown de cirque ! Il fit des stages et les plus grands artistes l’encouragèrent dans sa vocation et lui apprirent les plus grands tours. Et une fois son apprentissage terminé et son métier su sur le bout des doigts, il revint retrouver Jessica dans sa Cité car bien sûr, car il ne pouvait vivre sans son grand amour.

Jessica était chanteuse et se produisait au Black Cat tous les soirs. Il venait la voir dans sa loge après le spectacle mais ce n’était plus ça. Feignant souvent de le voir, tout juste si elle lui adressait la parole. Les autres étaient aussi distants et Johnny en fut très affecté. Il la regardait pourtant toujours avec amour en train de se maquiller ou de se poudrer le nez, et sa longue chevelure noire encadrait avec perfection son teint d’un gris magnifique !

Il venait de moins en moins souvent la voir mais quelquefois il arrivait en costume de scène pour la faire rire ou briller un peu à ses yeux.

Pourtant rien n’y fit, car il était devenu pour elle un homme de « couleur »…



Le cœur brisé il prit un bateau qui l’emmena très loin, presque au-delà des mers. Et malgré tout son amour, il ne la revit plus jamais.


jeudi 11 octobre 2012

L’auto-stoppeuse de San Diego

Perdu par l'entremise d'un tour en hamac qui avait mal tourné sur une route de Californie, je prenais une charmante dame en direction de San Diego. Hollywood dégageait ce genre de starlette alanguie de stars du Cinéma et je devenais in situ un metteur en scène renommé, à l'oeuvre artistique et maudite tout au moins.

Voulant connaitre de plus près mon inspiration intime, je conduisais pour son plaisir en tenue d'Adam pendant que ma passagère jouait du pipeau comme une Eve mélomane et improvisant un beau morceau. Un flic zélé nous rattrapa vite en moto et nous garant sur le bas côté pour montrer nos papiers ou ce qu'il en restait, nous lui demandâmes d'immortaliser ce moment, par ce cliché noir et blanc...


vendredi 5 octobre 2012

La Cape de Batman


J’arpentais depuis quelques jours les ruelles sombres d’un pays qui avait perdu son soleil et vivait une longue nuit qui durait depuis des semaines. C’était un vieux sortilège d’un indien qui avait envoûté la région et la punissait d’un mal qu’il avait subi…Le vieux devait être rancunier car cela commençait à durer.

Perdu à mon tour dans la pénombre, je cherchais la maison Sanders qu’on m’avait recommandé pour y planter gîte et partager couvert pour quelques pièces. Je me perdais encore et encore, tournant d’une impasse à une autre ruelle quand je tombais sur un géant accompagné d’un chien horrible qui semblait sortir du fin fond de l’enfer.

Ses oreilles pointues ressemblaient à celles d’un animal et quand il leva un doigt pour murmurer quelque chose, je lançais mon pied entre ses jambes puis cognais de mes poings à répétition dans son estomac comme un forcené. L’homme s’écroulait comme une masse et transi par le froid depuis la nuit tombée, je lui volais son immense cape pendant que son chien me laissait faire en échange d’un caramel.

J’endossais mon trophée quand tout à coup, je semblais mieux voir, l’habitude sans doute de mes yeux.à l'obscurité. J’étais comme téléguidé pour trouver mon adresse quand je tombais nez à nez sur la pancarte « Maison Sanders » et j’en étais ravi. Je sonnais et une dame âgée me recevait comme un familier en me présentant les autres convives de la demeure. Mon odorat était invité par la bonne soupe posée et fumante sur la table et j’échangeais quelques sourires avec des demoiselles bienveillantes qui entamaient avec moi une ronde de cuillères plongeant dans nos assiettes.

Une grande brune me regarda plus particulièrement et lisait-elle si vivement dans mes pensées que le repas fini, nous étions déjà accouplé sous l’édredon de ma chambre comme des amants accomplis. Elle caressait mon ventre et j’étais étonné moi-même de ma vigueur, les fesses râpées par la toile de cette étrange cape volée dans la nuit…

« Tu dors ? » me chuchota Katia.

Je retournais le lendemain à l’école maritime, content d’avoir trouvé refuge, couvert et volupté sous le même toit jusqu’à oublier l’existence de ce manteau étrange qui m’avait porté chance. Mais dont j’avais gardé la force et la confiance qui m’avait envahi cette nuit et pour toujours.

Celles d’un futur Capitaine, nommé Jack Rackham…


(Mémoires d’un Capitaine- Extraits)

Dessin de Batman par...X.